De même, en mettant en évidence les constructions existantes au début du XIXe siècle (image ci-dessus, en jaune), on constate qu’elles sont principalement réparties le long de la voie antique et pour la plupart alignées sur celle-ci, renforçant l’idée d’un axe structurant majeur du paysage sur la zone étudiée.
Grâce à divers indices nous avons pu mettre en évidence un ancien tracé de direction Est-Ouest reliant de façon certaine à minima le quartier de Belle-Croix à Floirac, au quartier des Bons Enfants à Fargues-Saint-Hilaire.
Plus largement ce tracé semble correspondre au début d’un chemin de crête d’origine sans doute très ancienne, partant de Bordeaux et pénétrant dans l’Entre-deux-Mers sur la ligne de séparation des bassins hydrographiques de la Dordogne et de la Garonne.
Certains indices laissent penser que le tracé ait été aménagé à l’époque romaine, mais seules des sondages sur le terrain permettront de le confirmer avec certitude. Les zones propices à de telles vérifications sont malheureusement peu nombreuses et risquent de disparaître dans les prochaines années.
On pense notamment à la zone directement â l’Est de Mélac, ou encore mieux, au champ dans le prolongement est du chemin de Cadène qui semble lui héberger une portion encore indemne de la voie.
Il est amusant de constater que bien que la route actuelle dite de Branne (D936) ait toutes les caractéristiques d’une voie romaine dans l’imaginaire populaire, notamment de par sa rectitude, elle n’est en fait qu’une création tardive (XVIIIe siècle) venant remplacer l’ancien tracé plus sinueux.
La question de la destination de cette voie reste entière. Si nous partons du principe que ce tracé est très ancien, alors nous pouvons imaginer que comme la majorité des routes protohistoriques, il a dû rester le plus longtemps possible sur les lignes de crête pour éviter les zones humides, les rivières à traverser et le les fortes pentes.
Partant de ce principe, le tracé théorique qui permet de s’enfoncer le plus à l’Est possible en Entre-deux-Mers sans jamais couper aucun cours d’eau correspond en fait à la D936 jusqu’à la Planteyre au sud de Salleboeuf, puis de suivre la D671 pour aller jusqu’à Créon, La Sauve, le nord de Targon, Bellebat et finalement Baigneaux.
A partir de ce point, la rivière Engranne représente une frontière naturelle Nord/Sud. D’ailleurs « Engranne » signifie frontière, et ce cours d’eau a réellement constitué une frontière pour les peuples à de nombreuses époques.
Ceci étant dit, on ne connait pas de pôle économique ou social assez fort situé au centre de l’Entre-deux-Mers pouvant avoir constitué une finalité de destination d’une telle voie à l’époque antique. Il est plus probable qu’à l’époque romaine, cette voie ait servi de pénétrante pour desservir les nombreuses villas gallo-romaines situées au cœur de l’Entre-deux-Mers.
Avant cela, l’éperon barré de Roquefort à Lugasson, occupé depuis le Néolithique, a pu jouer un rôle attractif fort pour les voies de communication. D’autant plus que sa position sur l’Engranne, au cœur de l’Entre-deux-Mers, prédisposait sans doute cet oppidum à jouer un rôle politique important.
Malheureusement les études sur les anciennes voies de communication en Entre-deux-Mers sont peu nombreuses. Si l’existence d’une route globalement est/ouest suivant la ligne de séparation des bassins hydrographiques de la Garonne et de la Dordogne semble, nous l’avons vu, plus que probable, son tracé exact reste à trouver.
On étudiant la question, nous avons surtout eu l’impression d’avoir à faire à un maillage complexe de voies de communication, où les voies Nord-Sud sont nombreuses et plus clairement identifiables.
Dans un pays Entre-deux-Mers qui porte bien son nom, encadré par deux voies fluviales majeures qui jusqu’à la fin du XIXe siècle ont constitué les principaux axes de transport pour les marchandises et pour les hommes, il n’est pas étonnant que ces axes nord/sud aient été plus pertinents à mettre en place que des axes horizontaux est/ouest.
Finalement, la force de l’Entre-deux-Mers depuis la nuit des temps, ses deux « mers », constituant des axes économiques majeurs, a induit un déséquilibre d’infrastructure dans les « terres » en ne rendant pas nécessaire l’existence d’une voie de communication terrestre majeure qui aurait pu catalyser la création d’un centre urbain majeur au cœur du pays.